9 février 2006

film - Tim Burton's Corpse Bride

Il était bien difficile d’élire le plus mauvais film de 2005. Entre Star Wars III, La guerre des Mondes et The Island, d'autres encore, les très mauvais films étaient nombreux en lice cette année. Mais absolument aucune hésitation pour le meilleur film de l’année. Tim Burton’s Corpse Bride (Les noces funèbres) de Tim Burton et Mike Johnson est une œuvre qui nous émerveille immédiatement et dont l’importance saute aux yeux des spectateurs vivants.

Bizarrement ce film est passé un peu inaperçu. Porté par très peu de promotion, il a fait un petit million d’entrées en France, auprès des fidèles du Maître, mais je ne l’ai vu mentionné dans aucun palmarès de journaux, nommé dans aucun prix. Sans doute trouve-t-on normal que Tim Burton produise un nouveau chef d’œuvre tous les deux ou trois ans.

Pourquoi cela ? Eh bien l’habituel ostracisme dont sont victimes les films d’animation. Les critiques préfèrent toujours le filmage des chairs et des os d’acteurs vivants. Les dessins et les marionnettes, n’est-ce pas, sont des jeux pour les enfants. Et puis peut-être le racisme anti-morts qui sévit chez les critiques vivants. Une variante de jeunisme sans doute. Les habitants des enfers en revanche auront sûrement beaucoup apprécié les blagues sur les vivants. Mais peu importe la reconnaissance des vivants.

Une autre raison aussi : la parenté de ce film avec The Nightmare before Christmas (L’étrange Noël de Monsieur Jack), réalisé il y a déjà dix ans par Tim Burton. Même technique, même univers gothique, même compositeur. The Nightmare est sans doute le plus beau film d’animation de l’histoire du cinéma. Il était pratiquement impossible de faire aussi bien et quand bien même ce serait aussi bien, nous avons plus la surprise et le choc esthétique que constituait L’Etrange Noël.

On ne peut pas éviter la comparaison, alors autant y aller franchement. A la revoyure en DVD, ce soir, je pense maintenant que Corpse Bride est tout aussi important que L’étrange Noël.

La technique, donc, reste la même : marionnettes et ‘stop motion’ (image par image). Mais la fluidité, les mouvements d’appareils et la lumière sont encore beaucoup plus fluides et plus beaux que ceux de l’Etrange Noël. Rien que pour la beauté de ses textures et de sa lumière, Corpse Bride est un émerveillement.

La musique et les chansons de Danny Elfman, entre Cab Calloway et Kurt Weil sont presque aussi chouettes que celle de l’Etrange Noël. L’idée d'origine - Orphée a l'envers - est charmante. La mort lui va si bien. Le scénario, la narration sont merveilleusement simples et limpides. Alors que tant de films aujourd’hui, bons ou mauvais, s’étirent sur deux heures, deux heures trente, trois heures, Corpse Bride dure une heure et dix minutes. C’est d’ailleurs un peu frustrant. Quand il tient un moment de grâce comme la scène de piano à quatre mains entre Victor et la Corpse Bride, alors qu’on est sous le charme, on passe à une autre scène. Aucune instant ou dialogue inutile, aucun ornement, aucune enflure. Un Peter Jackson vous assène trois tyrannosaures et un troupeau de brontosaures quand un gorille miniature aurait suffit. J’ai lu dans une interview que Jackson avait eu la vocation du cinéma grâce au premier King Kong et à Ray Harryhausen (le légendaire animateur de Jason et les Argonautes). Je pense, moi, que Jackson ne comprend rien au monde des marionnettes et que le vrai héritier de Georges Méliès et de Ray Harryhausen c’est Tim Burton. (D’ailleurs amusez-vous à chercher les clins d’œil à Harryhausen cachés dans le film).

Corpse Bride n’a pas la folie baroque de l’Etrange Noël. Sa beauté visuelle est plus retenue; romantisme n’en est que plus flamboyant. Et contrairement à tant de film poétiques-romantiques - y compris peut-être Big Fish - qui flirtent dangereusement avec le mélodrame sentimental, Corpse Bride reste sec, romantique et léger à la fois, émouvant sans être mélo. La marionnette de l’adorable cadavre, inspirée du beau visage triste d’Helena Bonham Carter, nous touche infiniment avec ses grands yeux confiants et sa naiveté. On songe aux fiancées tragiques des contes de Poe, on songe à la noyée de la Nuit du chasseur, on songe à l’Ophélie flottante de Millais. On songe à Pensées des Morts de Lamartine.

Site officiel du film