19 avril 2009

les oreilles du chef de l'Etat

Entendu sur France Info à propos d’une manifestation du ‘collectif des précaires’ devant un magasin du groupe LVMH offrant des stages non rémunérés de 12 mois’. Commentaire du journaliste : ‘Hier ils n’étaient qu’une dizaine. Ils espèrent malgré tout que cela suffira à chatouiller les oreilles du chef de l’Etat’. Un tel commentaire ne parait plus incongru en France. Le réflexe des groupes d’intérêt et de la presse d’en appeler directement au ‘chef de l’Etat’ et à nul autre autorité ou corps intermédiaire, à tout propos, a commencé il y a peut-être dix ans mais il s’accéléré et systématisé depuis l’élection de Sarkozy en 2007, quand il est devenu clair que le Président encourageait le petit peuple à en référer à Lui. Il est intéressant de constater que dans ce reportage, c’est la journaliste et non pas le responsable syndical interviewé, qui ‘en appelle’ au chef de l’Etat.

La méthode est désormais bien connue : ile Président entouré d’un petit groupe de conseiller sélectionne une fois par mois, de manière apparemment aléatoire un sujet une cause ou un groupe, réagissant à l’actualité, et c’est ‘l’opération coup de poing’ court-circuitant les ministères responsables. Le Président ‘se rend sur place’ pris d’une sainte colère et annonce la création d’une ‘Commission’, d’un ‘Plan’ ou d’une ‘loi’.

Je ne veux pas dire que ce style de gouvernement médiatique, en bousculant (apparemment) la bureaucratie, est nécessairement toujours mauvais. Je ne dis même pas ici que je désapprouve toujours les décisions prises par Sarkozy. Mais ca me rend malade de voir la démocratie régresser à ce point depuis une dizaine d’année, la litanie des revendications catégorielles, l’incompétence de la presse, un chef de l’Etat qui est non seulement désormais ouvertement le chef de l’exécutif mais aussi, plus que jamais, le patron du législatif et du judiciaire (au lieu d’être l’arbitre et le défenseur de ces pouvoirs), et enfin, donc, l’infantilisation du réflexe démocratique. On en ‘appelle’ au Président, comme en d’autre temps, au Maréchal, ou au jugement de Saint Louis sous son arbre. La berlusconisation de la vie publique. Une forme de monarchie élective et médiatique – menant tout droit au bonapartisme ? – progresse à grands pas.