18 août 2006

'The Sopranos'

Je découvre la Saison 1 des Sopranos avec quelques années de retard et je comprends tous les jugements dithyrambiques formulés sur la série. Je ne vais pas chercher à être original. C’est, pour moi aussi, et de loin, la meilleure fiction TV que j’aie jamais vu, et je veux bien croire les critiques qui estiment qu’il s’agit de la meilleure production TV ‘ever’.

The Sopranos est un chef d’œuvre. La série est constamment captivante sans s’appuyer uniquement ou même principalement sur l’intrigue ou le suspense. Ce sont les personnages et leur densité qui constituent le principal attrait de l’action. Comme toute grande œuvre elle offre de multiples de niveau de lecture. Hamlet et Œdipe dans le New Jersey. Sans avoir l’air d’y toucher, l’histoire va incroyablement loin sur le sujet des rapports mère fils, par exemple. Il s’agit moins d’une énième histoire de mafia que d’une chronique de la société suburbaine, de la communauté et de l’âme italo-américaine et il est tentant de voir en Tony Soprano l’archétype du male américain en crise – gangster ou pas.
Les trois personnages les plus importants des 15 dernières années – ceux qui resteront - n’ont pas inventés par le cinéma mais par les séries TV : Homer Simpson, David Brent (The Office) et Tony Soprano.

La perfection des Sopranos réside bien sur avant tout dans l’écriture, la progression maîtrisée de l’histoire et la qualité des sub-plots (je ne connais pas le terme français : sous-intrigues?): ils sont toujours pertinents, toujours en résonance subtile avec l’histoire principale, et jamais plaqués pour constituer un épisode fini – en ce sens The Sopranos est d’ailleurs plus un feuilleton qu’une série.

The Sopranos évite tous les pièges habituels des films de gangster. D’abord il arrive à concilier humour, engagement et crédibilité. C’est une comédie mais ce n’est jamais une parodie. Ensuite la violence est montrée pour ce qu’elle est, une partie du boulot, sans pudeur, fascination ou complaisance. L’interprétation évite le registre du lyrisme, de l’hystérie ou de la métaphysique, dans lesquels évoluent peut-être trop souvent les acteurs et réalisateurs italo-américains dans les films de mafia.

Enfin, d’un point de vue formel, la qualité de The Sopranos est inédite en télévision. La production, l’image et le montage sont d’une qualité hollywoodienne – dans le bon sens du terme - et sans les froufrous et effets stylistiques (caméra portée, grues, zooms, montage cut) qui peuvent agacer dans d’autres grosses productions TV comme ‘24’. L’interprétation est incroyablement solide jusque dans les rôles secondaires. Le choix des musiques jamais anodins.

La série reste totalement classique dans son style de narration et son style visuel. Confirme qu’on peut produire des chef d’œuvre sans chercher a’ innover artificiellement.

Il y a un mystère dans le sentiment de perfection qu’inspire The Sopranos. On peut être surpris quand on s’aperçoit que le créateur David Chase n’a pas lui même écrit tous les épisodes et que le que le réalisateur est différent a’ chaque épisode. Et pourtant le style narratif et visuel reste le même, aussi serré, aussi intelligent à chaque épisode. La clef du mystère bien sur réside dans le mode de fonctionement américain, la qualité des ‘bibles’, le travail des producteurs et l’instinct du commanditaire HBO.

Rappelons que Canal+ a été créé sur le modèle de HBO comme formule : sport premium en exclu, cinéma récent en exclu, et production maison haut de gamme. Mais à part dans l’humour et les talk show, et bien que non soumis à la ‘dictature de l’audience’, Canal n’a jamais réussi à produire quoi que ce soit d’important en fiction TV.

http://www.hbo.com/sopranos