18 août 2007

Imperium, par Robert Harris

Je vous recommande le nouveau roman historique de Robert Harris, Imperium. C’est, racontée par son esclave/conseiller/scribe Tiro, l’histoire haletante de la première partie de la carrière de Cicéron, l'ascension d’un pauvre avocat de province, pas même noble, jusqu’au sommet de l’Etat. Tiro nous raconte trois épisodes en particulier :

Le procès Verres. En 70, le jeune sénateur Cicéron attaque l'ex gouverneur de Sicile, pourtant soutenu par toute l’aristocratie, défendu par son grand rival du barreau l'avocat Hortensius, dans un procès où le jury était acheté par Verres. L’éloquence de Cicéron et l’amoncellement des preuves de corruption pousse Verres à l’exil avant même le prononcé du jugement. La victoire de Cicéron lui assure une énorme popularité et une place sur le banc des sénateurs patriciens.
Le coup de Pompée. Haï par les sénateurs patriciens, détesté par le millionnaire Crassus, Cicéron pour survivre est obligé de se rallier à Pompée. Il lui assure un Triomphe et lui fait obtenir des pouvoirs militaires extraordinaires pour lutter contre les pirates (les terroristes de l’époque). Cicéron n’aime pas les militaires mais il manigance tout cela, à contrecœur, pour neutraliser ses ennemis et pour devenir Préteur (dernière étape avant la magistrature supreme, Consul). Mais ce faisant, il crée un précédent participant à l’affaiblissement des institutions civiles qui finira par le tuer, lui, et tuer la République vingt ans plus tard.
La campagne pour le poste de Consul en 63. Par un coup de génie, Cicéron réussit à se faire élire consul contre la conjuration et les millions de Catilina, Hybrida et Crassus.

Cicéron est évidemment le good guy de l’histoire. Le démocrate, le pacifiste, l’intellectuel, le réformateur, l'incorruptible. L’underdog devant naviguer constamment entre trois factions également puissantes qui toutes le méprisent et le traitent de 'parvenu' : le parti des aristocrates patriciens (Caton, Catulus, Hortensius, Lucullus, Catilina…), les millionnaires populistes mafieux (Crassus) et les grand généraux toujours un peu putchistes (Pompée, César). Cicéron, lui, n’a ni un grand nom (son père n’était pas noble mais un simple chevalier), ni fortune (seul son mariage avec une fille de patricien lui permet d’emprunter le million de sesterce nécessaire pour se présenter au Sénat), ni la gloire militaire et la loyauté des vétérans, qui assurent un ‘fast track’ vers le sommet.

Face à cela, ses armes à Cicéron étaient d’un genre nouveau : la loi et la voix.

Sa connaissance de la loi et de la jurisprudence en matière judiciaire et constitutionnelle, en cette fin de République, était une arme efficace, car même les politiciens les plus corrompus se sentaient contraints de respecter les nombreuses formes légales et traditions républicaines.

Son éloquence d’un genre nouveau, faisait appel à l’intelligence et à l’humour de l’auditoire, et plus seulement à la rhétorique théâtrale de la génération précédente. Cicéron appliqua avec succès l’éloquence judiciaire et législative à ses campagnes de terrain, à ses discours au peuple. Et pas seulement le petit peuple de Rome. Profitant du fait que le corps électoral en ces années vient d’être étendu à certaines provinces reculées de l’Italie, il n’hésite pas, fait inouï, à partir en campagne électorale dans ces contrées pendant que ses adversaires se livrent à des enchères pour acheter les voix des quartiers et centuries de Rome. Bref Cicéron était le premier politicien moderne. Il n'est pas non plus un idéaliste naif. S'il défend les citoyens de Sicile contre l'infâme Verres, pour se faire un nom, il va ensuite défendre un gouverneur de Gaule tout aussi corrompu que Verres, parce que les circonstances ont changé. Et, comme tout politicien moderne, il passe son temps à faire de alliances et des compromis secrets, bancals, voire dangereux. Mais il reste républicain, c'est à dire démocrate et partisan des voies légales.

Alternant les campagnes électorales et les procès, les conspirations et les coups de théâtre, le récit de Tiro/Harris est le synopsis parfait pour un thriller juridico-politique hollywoodien. Je ne suis pas certain qu’il soit en tout point conforme à la réalité historique ; par exemple je ne suis pas sur que César et Crassus aient été aussi clairement impliqué dans la conspiration de Catilina et la manière dont Cicéron déjoue le complot est probablement romancée.

Very good read. Very easy in English, by the way.
One review by The Guardian