8 mars 2008

Monsters Inc.


Le ciné-club de Meudon a tourné entre 2004 et 2006. En deux ans, nous avons vu 8 films présentés par 8 copains:
Solaris de Steven Soderbergh, présenté par Christophe
Chat noir chat blanc d’Emir Kusturica, présenté par Philippe
Honky Tonk Man, de Clint Eastwood, présenté par Marc
Les choses de la vie, de Claude Sautet par Delphine
Ghost in the Shell de Masamune Shirow présenté par Caroline
Le Festin de Babette, de Gabriel Axel présenté par Elizabeth
A bout de souffle de Jean-Luc Godard, présenté par Jean-Marc
Fitzcarraldo de Werner Herzog, présenté par Séverine

J’ai clos la série avec ‘Monsters Inc’, des studios Pixar, réalisé par Pete Docter. Voici mon petit speech d’accompagnement. Voici pourquoi j’aime ce film.


D’abord je voulais montrer un film d’animation en volume, en 3D. Parce que certains parmi les amis n’étaient pas encore totalement convaincus, à l’époque, que l’animation c’est non seulement du cinéma digne des adultes, mais qu’on produit de nos jours d’authentiques chefs d’œuvre, qu’on a la chance de vivre, depuis 1995, un véritable âge d’or du cinéma d’animation. Je me souviens encore de la tonalité condescendante de la critique de 'Toy Story 2' dans ‘Les cahiers du cinéma’. Le pauvre type coincé qui avait écrit le papier ne pouvait pas imaginer qu’un film cher et populaire, et divertissant, et comique et qui a eu un succès colossal, puisse avoir le moindre intérêt artistique. Il cumulait visiblement trop de handicap. 'Monster Inc.' a eu un succès encore plus important que Toy Story, dépassant les 200 millions de dollars de recettes aux USA. A l’époque (et encore aujourd’hui) seuls les gros blockbusters pour ados cons atteignaient normalement des scores aussi astronomiques.

Pourquoi j’aime en particulier l’animation en volume? Il y une explication très simple et très ‘Rosebud’ : mon jouet préféré quand j’étais petit, c’était ces espèces de jumelles en plastique rouge : on insérait des disques en cartons avec 14 petites diapos sur tout le pourtour. En faisant tourner le disque via une petite gâchette, on pouvait voir successivement 7 scènes en relief grâce à procédé stéréoscopique vieux comme la lanterne magique. J’avais Peter Pan, Les Aristochats, Le Livre de la Jungle, Robin des Bois etc. Ce jouet s’appelait ViewMaster, je l’ai toujours (photo) et c’est mon plus gros trésor (après ma collection d’Astérix évidemment). On n’avait pas la vidéo dans les années 70 ; et c’était ce qui se rapprochait le plus du cinéma à la maison. Non seulement c’était en relief (en fait : des marionnettes photographiées sous deux angles différents dans un décor) mais ce que j’adorais c’était qu’on pouvait faire varier la lumière et l’ambiance de chaque vue en dirigeant l’appareil vers une lampe (couleurs chaudes) ou une fenêtre (couleurs brillantes).

L’autre raison c’est que j’aime les marionnettes et que la 3D ce ne sont jamais que des spectacles de marionnettes. Monsters Inc comme tous les films du studio Pixar ce sont des images ‘de synthèse’ par ordinateur (Computer Generated Imaging CGI). En termes visuels et graphiques, je préfère les véritables marionnettes comme dans The Corpse Bride de Tim Burton ou dans les films du studio Aardman (Wallace et Gromit, Chicken Run) qui utilisent la technique de prise de vue image-par-image (stop motion) elle aussi vieille comme Méliès. Cependant les artistes de ‘rendering’ de chez Pixar arrivent à faire des choses merveilleuses sur la lumière, les reflets et les textures, et l’animation 3D par ordinateur n’a plus du tout le coté un peu lisse et sec des débuts. Dans Monsters Inc par exemple, le travail sur la fourrure soyeuse de Sully était prodigieux pour l’époque. Et comme, l’animation en prise de vue réelle est de plus en plus retouchée par ordinateur, on ne verra bientôt plus la différence entre les deux techniques qui vont s’interpénétrer au gré des choix artistiques.

Si j’aime en particulier les films Pixar, c’est pour la qualité de la narration, l’intelligence des scénarios, le brio des dialogues. D’autres studios d’animation comme Dreamworks rivalisent (presque) sur la qualité visuelle, mais restent loin derrière (à mon avis) sur la narration, la caractérisation, la tonalité, l’élégance de l’humour qui me rappelle la grande tradition des comédies américaines des années 50. Pour avoir rendu à l’animation ses lettres de noblesse après des décennies de domination infantile et de plus en plus médiocre de la part des studios Disney. Monster Inc est comme tous les grands films, une œuvre à multiples niveaux. C’est un merveilleux film pour les enfants mais il y a des tas de niveaux pour le seul plaisir les adultes : l’utilisation des plans et du découpage du cinéma ‘adulte’ américain, des thèmes du cinéma policier, du buddy movie, du thriller politique, du cinéma fantastique (la poursuite borgésienne dans la bibliothèque des portes). Les studios Disney en décadence s’étaient spécialisés dans l’adaptation de conte de fées du XIXème ou livres pour enfants à succès mais Pixar a depuis le début développé des histoires originales. Comme ‘Toy Story’ partait de l’idée traditionnelle des jouets vivants en la modernisant, ‘Monsters Inc’ part de l’idée merveilleusement simple qu’il y a EFFECTIVEMENT des monstres cachés sous les lits et dans les placards des chambres d’enfants et nous raconte l’histoire du point de vue des monstres (qui, merveilleuse inversion, considèrent que ce sont les enfants les monstres). Les monstres sont des gens comme vous et moi : le gros monstre à fourrure verte s’appelle James P. Sullivan (j’adore le P.), et son copain le cyclope sur patte se nomme Mike Wazowski. Comme tous les américains moyens, nos héros portent des noms polonais et irlandais.

Mais ce qui est le plus touchant pour un adulte (pour moi en tout cas) c’est le véritable sujet du film qui est l’apprivoisement d’un adulte par une enfant de deux ans. J’avais autour de 32 ans quand j’ai vu le film et comme Sully et Mike, les héros du film, trentenaires célibataires, je considérais les enfants de moins de six ans comme des monstres effrayants et incompréhensibles, des grenades dégoupillées. J’étais pile poil à l’âge où j’ai commencé moi aussi à trouver mignons les enfants des autres et à me dire ‘merde j’aimerais bien en avoir un comme ca à moi un jour’.

Les moments préférés :
• Le regard de Sully quand apres avoir couché Boo, il est surpris de s’attendrir sur le petit monstre qui vient de s’endormir dans son lit.
• Le désespoir et les évanouissements a’ la Tex Avery de Sully quand il croit voir Boo découpée en morceau dans un broyeur
• La scène du restaurant japonais ‘Harryhausen’s’ ou l’apparition de Boo sème la terreur. Clin d’œil de Pete Docter au maitre de l’animation Ray Harryhausen, pionnier de l’image par image dans les années 50 (Jason et les argonautes) qui a engendré plein de vocation dans la génération des Burton et Lasseter. Autre clin d’œil dans the Corpse Bride, le jeune héros joue sur un piano de la marque Harryhausen.
• Le bonus post-générique. Pixar a inventé et filé la tradition du bêtisier pastiche pendant les crédits ; cette fois c’est encore plus drôle avec les clins d’œil aux autres personnages Pixar et surtout la comédie musicale d’entreprise, mise en scene par Mike, qui nous reraconte toute l’histoire en trente secondes, merveilleuse mise en abyme par le crooner de Mike.
• J’allais oublier le générique du début : merveilleuse idée de faire précéder un film en 3D par une séquence purement 2D, dans un style graphique en à-plat de couleurs simples rappelant un peu Les 101 Dalmatiens, sur le thème des portes. Avec une super musique de jazz. Un régal.

La musique justement. Comme tous les premiers films de Pixar, elle est signée Randy Newman, et elle est super. Pour le thème principal ‘I wouldn’t have nothing if I didn’t have you’, Newman a obtenu son premier Oscar de la meilleur chanson apres moultes nominations (le film était nominé aux Oscars 2002 mais c’est Shrek qui a gagné…).

Les courts métrages, autre magnifique tradition Pixar. ‘Monsters Inc’ est accompagné, comme tous les autres longs de Pixar par un petit bijou. Cette fois c’est ‘About the Birds’ avec une musique de jazz à la Reinhardt.

Le casting enfin, la cerise sur le gâteau : John Goodman, un régulier des frère Coen (Sully), Billy Crystal (Mike) et Steve Buscemi dans le rôle du méchant.

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