13 mai 2007

Chirac ou la banalité

Au moment de dire good bye Chirac, quelques commentaires sur le remarquable film de Patrick Rotman. Superbes images d'archives et très bonnes interviews de très proches qui ne mâchent pas leurs mots. Mais je suis moins impressionné par le spin qui consiste a' inventer un 'mystère Chirac'.

Le montage de Rotman essaie de véhiculer l’idée d’un mystère Chirac. Il finit par Seguin disant On arrive presque à cerner Mitterrand avec de l’entraînement, mais Chirac personne ne sait qui c’est. Suspense superficiel à mon avis. Car la triste vérité est qu’il n’y a PAS de mystère Chirac – l’homme est véritablement superficiel, psychologiquhement banal. Pourquoi vouloir toujours penser qu’il a un mystère passionnant dans la psyché des grands hommes politiques ? De même je suis 100% derrière Arendt et son concept de banalité du mal – pas besoin de main du démon ou de conjonction psychanalytique exceptionnelle pour produire un Eichmann, un Hitler. Pas de mystère dans le fait que des individus médiocres arrivent au pouvoir et réalisent éventuellement des grandes choses.

Aucune vraie révélation la dessus dans ce film. Passons sur l’amateur de poésie et civilisations orientales, longtemps trop pudique pour en parler, inquiet que ses amis les politiques et les agriculteurs ne se gaussent de ses goûts sophistiqués. Oui, on le savait et tous les interviewés le confirment, Chirac aime véritablement les paysans et les vaches et l’art oriental. Pas d’affectation et pas de mystère non plus. Et alors ?

Chirac est tout simplement un type qui aime les paysans et les vaches et l’art oriental, et le combat politique, et le pouvoir. Plus la politique que l’exercice du pouvoir, chacun le confirme. Il a besoin d’être aimé, respecté, craint. Il aime sincerement la causette avec les gens simples et il aime aussi avidement le luxe et les honneurs. C’est - banalement - un Don Juan qui se lasse rapidement de ses conquêtes et qui n’est d’ailleurs pas doué pour les conserver. C’est tout simplement un Gargantua. Des types comme Chirac il y en a plein dans tous les métiers.

Son camarade de Science Po Rocard parle avec un mélange de tendresse et de mépris du grand escogriffe. Il a eu du talent et souvent courage en politique, une capacité à changer d’idées et d’objectifs en six mois. Cela pourrait être une qualité si il y avait un commencement de ‘colonne vertébrale’ intellectuelle derrière les revirements d’idées ou de stratégies. Mais la longue carriere montre abondamment qu’il n’y a absolument aucune logique derrière les choix de Chirac, autres que conquérir et conserver le pouvoir et écouter le conseiller du moment. Mitterrand était tout aussi cynique que Chirac et beaucoup plus machiavélique encore, et méchant bien sur, au sens Nietzschéen. Mais Mitterrand au moins avait une certaine idée de la France.

Pasqua rend un hommage marqué au grand François et on sent qu’il a été déçu que son poulain s’avère un peu juste au moment d'affronter le plus grand animal politique de son époque. Pasqua admire en connaisseur le grand artiste qu’était Mitterrand – on sent qu’il aurait aimé mettre ses talents au service du Prince Florentin ; il prétend avoir prévenu Chirac qu’il ne serait pas à la hauteur ; il prétend que le débat télévisé a scellé sa défaite humiliante – mais je pense que le seul débat n’explique pas un écart 54/46 et que les gesticulations de Pasqua dans les semaines précédents l’élection ont joué un plus grand rôle.

Maintenant que j'y pense, peut-être que Pasqua travaillait pour Mitterrand finalement.

Intéressans rappels sur Juillet et Garaud les éminences grises de Chirac jusqu'au milieu des années 80, ultra-conservateurs, derrière la trahison et le flingage de Chaban en 1974, la prise de l’UDR en 1975, la conquête de Paris en 1977, l’appel de Cochin en 1978 (hystériquement anti-européen), le flinguage de Giscard en 1981 (Seguin racontant tranquillement comment bien sur, les chiraquiens ont activement travaillé a’ la défaite de Giscard contre Mitterrand.

Et puis les petites phrases des Juillet/Garaud a’ l’égard de leur poulain.
(alors qu’il les remercie de l’avoir forcé a’ se faire élire a’ Paris) C’est bien la Premiere fois que je vois un cheval remercier son jockey(peu après que Mitterrand les ait viré pour tomber tout cru dans l’influence Pasqua) On croyait qu’il était du marbre dont on fait les statues, mais il est du marbre dont on fait les lavabos.

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