26 mai 2007

Fermat's Last Theorem, par Simon Singh


J’ai déjà parlé ici de Big Bang de Simon Singh, voici Fermat’s Last Theorem. Exactement comme dans Big Bang avec la cosmologie, Singh fait un roman policier à suspense avec l’histoire des mathématiques.

Ça démarre vraiment comme une crime story. En 1993 à Cambridge, le mathématicien anglais Andrew Wiles stupéfie le monde en faisant, durant un colloque, au tableau, la démonstration du théorème de Fermat qui échappait à tous les plus grands mathématiciens depuis plus de trois cent ans.

En 1637, le mathématicien toulousain Pierre de Fermat écrivit dans la marge de son examplaire du Arithmetica de Diophante la proposition suivante :

Soit x, y et z trois nombres entiers. Soit n un nombre entier.
Si n est supérieur ou égal à trois, il n’existe pas de solution à l’équation :

z(n)= x(n) + y(n)

Et Fermat ajouta négligemment, en latin, la notation suivante : ‘j’ai trouvé une démonstration magnifique à ce théorème mais je n’ai pas la place de l’écrire ici’. Fermat était comme ça, un génie amateur, dilettante et arrogant. Par tempérament et par nécessité (son emploi de clerc au Parlement de Toulouse), Fermat avait en permanence des intuitions géniales mais ne prenait jamais le temps de les développer ; il jetait juste les bases de ses démonstration et mettait au défi les autres grands mathématiciens – souvent riches et oisifs - de compléter. Il était le McEnroe des maths au XVIIème siècle ; il rendait fous de rage tous ses collègues européens avec qui il correspondait.

La fascination rapidement exercée par le théorème de Fermat, au-delà du milieu des mathématiciens professionnels, provient de l’extrême simplicité de son énoncé (qui suggère intuitivement une démonstration simple elle-aussi), et du défi mystérieux derrière la notation de Fermat (j’ai trouvé la solution mais je ne vous la livrerai pas). Tous les plus grands génies des trois siècles suivants se sont essayé à (re)trouver la solution : Newton, Euler, Gallois, Cauchy, Lamé, Kummer etc. Le problème est devenu encore plus mythique lorsque des mathématiciens amateurs et riches ont commencé à promettre des prix substantiels à qui trouverait le Graal des maths : en 1908 l’allemand Paul Wolfskehl laissa par testament une somme de 100 000 marks (environ 700 000 euros d’aujourd’hui) à qui trouverait une solution dans les cent prochaines années.

La résolution du théorème de Fermat était donc à la fois un exploit sportif, une conquête et une (re)découverte : l’Everest, le Pole Sud, le Saint Graal et le trésor des Incas. Un merveilleux sujet de bouquin. Nous sommes bien dans le domaine du sport, de l’inutile, car la résolution du théorème n’a aucun intérêt scientifique ou mathématique majeur. Il a été prouvé des le XIXème siècle que le théorème était vrai pour la plupart des nombres premiers et, partant, pour pratiquement toutes les valeurs de n. Apres 1945, les ordinateurs ont calculé qu’il était vrai pour des milliards de valeurs de n, mais, bon il restait à démontrer qu’il était vrai pour TOUTE valeur de n.

Le théorème de Fermat est un merveilleux sujet en lui-même mais aussi le prétexte parfait pour une histoire amusante et passionnante de l’arithmétique et de la théorie des nombres en particulier. On y redécouvre beaucoup de propriétés merveilleuses des nombres premiers. Par exemple saviez-vous que Pythagore avait fondé une sorte de secte secrète d’adorateurs des nombres, et qu’il fit mettre à mort un disciple qui avait osé suggérer l’existence de nombres irrationnels (qui ne peuvent s’écrire sous la forme d’une fraction de nombres entiers). On y redécouvre certaines des démonstrations les plus élégantes comme la démonstration par Euclide que la racine de deux est précisément un nombre irrationnel. On se replonge dans l’invention des nombres imaginaires (je me souviens encore de mon émerveillement quand on nous a révélé la solution de x2=1, le nombre imaginaire pur i). Bref le bouquin nous promène depuis les grecs jusqu’aux mathématiciens contemporains pour nous expliquer, étape par étape l’apparition des principaux concepts qui ont conduit à la proposition de Fermat et les principales branches des maths qui ont après lui, essayé de le résoudre. Singh sait raconter avec clarté et divertir le lecteur avec des anecdotes sur la vie des grands génies, comme le tragique et romantique destin d’Evariste Gallois (le James Dean, le Jimmi Hendrix des maths).

Mais revenons à Wiles. Ce jeune type, après deux ans passées reclus à chercher secrètement la solution, accède du jour au lendemain à la gloire des grands découvreurs et des grands sportifs. Il rejoint Bob Beamon et Roald Amundsen. Après son triomphe à Cambridge, Wiles livre un manuscrit de 60 pages aux journaux mathématiques qui affectent, simple routine, une demi-douzaine de mathématiciens de diverses spécialités pour examiner et confirmer la démonstration, étape par étape, avant publication. Et c’est le drame, car l’un d’entre eux découvre une petite faille, un maillon faible dans la logique de Wiles. Wiles admet le problème et pense pouvoir le résoudre en quelques jours, mais il s’avère que la faille est fondamentale et détruit la validité de sa preuve. Tout s’écroule. Mais, comme dans un roman, Wiles se remet au travail avec ses collaborateurs pour contourner le problème et tenter d’atteindre véritablement le sommet de la montagne.

Je ne vous dirai pas ici si Wiles a finalement franchi les derniers mètres et réussi à prouver la conjecture de Fermat, car je ne le savais pas moi-même et le suspense participe évidemment au plaisir du livre.

Mais que Wiles ait trouvé ou non la solution, le mystère demeure : Fermat avait-il vraiment trouvé une solution de son coté ou était-il juste en train de se vanter ?
Disons simplement, qu’étant donné la longueur et la complexité de la démonstration de Wiles, empruntant aux concepts et aux constructions les plus sophistiquées des maths du XXème siècle, il est absolument impossible que Fermat ait développé une démonstration similaire. Il parait aussi à peu près impossible qu’il ait trouvé une autre solution avec les outils rudimentaires de l’arithmétique du XVIIème siècle, et que personne d’autre n’aurait retrouvé après lui. Mais il est tentant et romanesque d’imaginer qu’il a griffonné une solution fulgurante au dos d’un carnet disparu…

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Il faut absolument que vous fassiez lire ce bouquin à vos gamins, à partir de 13-14 ans je dirais. Ce petit bouquin passionnant (et facile en anglais) leur apprendra que les maths c’est de l’art, c’est un jeu, c’est un sport, c’est fun, s’ils n’ont pas eu la chance de tomber sur un prof qui leur a fait aimer les maths.

Un autre bouquin sympa sur les maths à faire lire aux ados, c’est Le Théorème du Perroquet de Denis Guedj, une petite histoire policière à la Pennac qui elle-aussi nous entraîne dans la fascinante histoire des nombres.

Le site Simon Singh

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