4 décembre 2006

Flushed Away (Aardman Animation)


Le rat est tendance cette année. En attendant Ratatouille de Pixar en 2007, le dernier Aardman, réalisé par David Bowers and Sam Fell, est une histoire de rongeurs. Il devait s’appeler Ratropolis mais on a changé le titre qui ressemblait trop à Ratatouille. Roddy the rodent, un pet-rat de Kensington habitué au luxe, se retrouve exilé parmi ses semblables, dans les égouts de Londres ; pire : dans les égouts de l’East End. Double exil donc, puisqu’il doit réapprendre à vivre parmi des rats et parmi des rongeurs prolétaires d’East-London.

Aardman goes CGI

Malgré des plans complexes et acrobatiques, j’ai vraiment cru qu’il s’agissait encore de la technique maison Aardman (plasticine et stop motion). Wallace et Gromit réussissait en effet des scènes de poursuite aérienne en stop motion pour l'essentiel et le CGI n’était vraiment utilisé que pour quelques effets comme les lapins en apesanteur. Le look and feel de ce film est en tout point conforme à celui de Chicken Run et W&G mais il a été réalisé entièrement en images de synthèses (Computer Generated Images CGI) et le résultat est époustouflant. On jurerait voir les marionettes en plasticine, mais c’est parce que les personnages ont été créés en plasticine avant d’être scannés 3D pour l’animation. Officiellement c’est le grand nombre de scènes aquatiques dans les égouts qui a déterminé le choix du CGI au lieu du stop motion. Le compositing pour associer des prises de vue stop motion et l’eau CGI aurait été trop coûteux.

Une comédie londonienne

Troisième film de l’association Aardman Dreamworks, Flushed Away sera aussi le dernier. Après le succès planétaire de Chicken Run, Dreamworks a en effet été déçu par les recettes nord-américaines de Wallace et Gromit - Curse of the were-rabbit. On dit aussi que les gens d'Aardman, quant à eux, en ont assez des interventions de Dreamworks dans les scénarios. Ainsi la première version du script racontait une histoire de rats pirates, mais les experts marketing de Dreamworks décrétèrent qu’il n’y avait aucun marché pour les histoires de pirates (c’était avant le triomphe de Pirates of the Caraibes) et il fallut tout réécrire (il est tout de même resté le bateau de Rita et les poursuites dans les canaux). Il est possible enfin que Dreamworks se soit lassé du caractère irréductiblement British des gars d’Aardman, de leurs références et de leur humour. Chicken Run nous parlaient de l’Angleterre rurale (un coq américain perdu chez les bouseux anglais) ; Wallace et Gromit se situait dans l’Angleterre provinciale (vicaires, charity, gentlemen farmers et concours de légumes) ; Flushed Away est une comédie explicitement londonienne sur le choc des classes entre les beaux quartiers chics et ennuyeux de l’Ouest, et l’East London gouailleur et populaire.

Le truc marrant c’est que je vis en ce moment à Kensington, j’ai vu le film au Odeon sur High Street Kensington, ce film qui mentionne High Street Kensington et fait allusion à l’envahissante communauté française (les grenouilles).

French bashing

Le grand méchant bondien du film est un crapaud qui vit en marge du monde des rats. Comme tous les méchants d’animation, Mr Toad (Ian McKellen) a une bonne raison pour être méchants. Il était le crapaud adoré du petit prince Charles jusqu’au jour où on offrit au prince un rongeur. Et Mr Toad tombé en disgrâce fut promptement flushed away dans les toilettes de Buckingham. Donc Mr Toad veut sa revanche et a un plan machiavélique pour noyer Ratropolis, en finir avec les rats et qu’advienne le règne des batraciens.

A moment donné, dégoûté par l’imbécillité de ses hommes de main rongeurs, Mr Toad fait appel à un privé (hitman) français ‘Le Frog’ (voix Jean Reno) et son équipe de grenouilles ninja. S'ensuivent une série de jokes anti-françaises dont deux en particulier on fait mourir de rire la salle:

Le Frog (to Mr Toad) : Sir, we are leaving immediately.
One of his men: But what about dinner?
Le Frog (after a while): Sir, we are leaving in five hours.

Le Frog (giving attack order): Messieurs, do the move!
His men (raising their hands): We surrender!
Le Frog (appalled): No! not that move!

Il est en effet notoire que les français sont couards, fainéands et obsédés par la bouffe.

J’ai aussi adoré le choeur grec des limaces chantantes (venues de Creature Comfort la série Aardman pour ITV) qui commente le marivaudage entre Roddy (Hugh Jackman) et Rita (Kate Winslet).

Alors le verdict ? Flushed away est ébouriffant, charmant, burlesque, hyper drôle. Plein de gags et de clins d’œil, d’une invention permanente. C'est quasiment du niveau Chicken Run, ce qui est beaucoup dire.

Nous verrons si Aardman continue les long métrages sans le financement de Dreamworks, mais s'ils devaient revenir aux moyens-métrages, je serais tout aussi content. Alors que Pixar, tout en maintenant son excellence artistique, fait de plus en plus de concessions a l'univers Disney, les petits gars de Bristol envoient chier Dreamworks pour rester ce qu'il ont toujours été: des artisans marionnettistes - et c'est pour ça que je les adore.

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